J’ai pris le train de nuit pour rejoindre Varanasi (anciennement appelé Bénarès). J’ai eu déjà mieux dormi… Faut dire aussi qu’il ne m’est pas venu à l’idée de prévoir une couverture. Bref, avec tous les courants d’air, je me suis caillée…
Bref, je suis donc arrivée a Varanasi vers 14h après plein plein (on ne compte plus au bout d’un moment) d’heures de train et j’y ai fait un passage express parce que j’ai rendez-vous dimanche avec Samved, un de mes anciens colocs indiens des Etats-Unis.
J’aurais pu regretter de rester si peu de temps dans cette ville mythique. Pourtant, ça m’a soulagé plus qu’autre chose...
Varanasi est construite en bordure du Gange. C'est le lieu privilégié pour faire un bain purificateur dans le fleuve sacré. C’est aussi l’endroit où tous les hindous voudraient mourir et la ville sainte s’est ainsi spécialisée dans les crémations.
Du coup, en se promenant dans les ruelles, il n’est pas rare de tomber nez à nez avec une famille qui pleure son défunt à chaudes larmes, de voir des gens qui sont en phase terminale, de croiser des morts (enveloppés dans des linceuls) qui sont transportés vers leur bûcher,…
J’ai trouvé cela très dur et difficilement supportable. Vu la trouille monstrueuse que j’ai de la mort, je me sentais vraiment mal. Le temps étant brumeux, ça rajoutait encore a l’atmosphère morbide de cette ville.
J’ai quand même fait le tour classique en commençant par la cérémonie du Puja, une danse (avec de l’encens, des bougies et autres) faite par 5 hommes pour les Dieux.
Je suis aussi allée voir Manikarnika Ghât, le crematorium principal. Des amas de bûches de plusieurs mètres attendent les familles qui achèteront de quoi faire brûler leur défunt. Certaines, trop pauvres, ne peuvent pas acheter assez de bois pour que le corps soit entièrement consumé… Les crémations se font ici de jour comme de nuit, 24h/24, à raison de 150 a 200 par jour, à l’air libre. Avant l'incinération, le défunt est rapidement trempé dans l'eau du Gande. Une fois terminée, les cendres sont balayées et déversées dans le Gange…
Le crematorium est étalé sur 3 étages. En bas, on brûle les intouchables. Au dernier étage, on brûle les brahmanes, la caste la plus haute. Au milieu, les castes intermédiaires.
Un peu plus loin, des hommes prennent un bain dans le Gange. Ils disent que cela lave tout, même le mauvais karma (ce qui correspond a l’accumulation des péchés en gros).
Je ne peux pas en voir plus, je rentre à la guesthouse pour dîner et me coucher. Je n’ai pas envie d’aller au resto et surtout pas envie de boire l’eau d’ici. Même purifiée avec des Micropurs, j’ai l’impression que je vais boire de l’eau qui s’est infiltre dans la nappe souterraine après avoir ruisselé sur des corps sans vie. Ca me prend aux tripes.
Apres une nuit correcte, je prends mon courage a deux mains pour aller faire une promenade en barque sur le Gange. Il est écrit sur les guides touristiques que le fleuve charrie des morceaux de corps mal brûles. J’ai eu la chance de ne pas en voir, ils ont eu la bonne idée de ne pas flotter aujourd’hui…
C’est bon, j’ai fait ce qu’il y avait à faire absolument dans cette ville à en écouter les guides. Je m’éloigne donc de ce fleuve pour aller de l’autre cote de la ville, la ou je me sens mieux.
Je vais voir un temple népalais au passage. Tout petit mais orne de belles sculptures en bois et très mignon. Je vais ensuite au Temple de Vishwanath puis au Fort de Ram Nagar (le premier maharaja de Bénarès) en cycle-rickshaw.
Temple de VishwanathC’est loin et mon chauffeur (pédaleur ?) peine. La route est ultra mauvaise. Ca me fait de la peine parce qu’il a l’air tout gentil. Je l’aide à pousser la carriole quand ça n’avance pas.
Mais je ne fais plus les déplacements à pied comme je le faisais avant. En vivant au Laos, j’ai compris que même si ça nous peine de voir des gens travailler dur comme ça, c’est leur façon de gagner leur vie et si on ne leur demande rien, ils n’ont pas de travail. J’avais beaucoup de mal à laisser mon linge dans la panière tous les matins à la RNT, ou à voir que j’avais une femme de ménage qui passait tous les jours. J’aurais eu tendance à tout faire à leur place jusqu’à ce que je réalise que moins on leur donne de travail, moins elles sont nécessaires et plus EDF licencie…
Bref, après avoir vu ce temple, j’ai invité mon pédaleur à déjeuner. Il m’a raconté qu’il est népalais. Sa femme est indienne et ils se sont mariés par amour. Ils se sont installés en Inde car au Népal, il est encore plus difficile de vivre. Il gagne environ 1500 roupies (moins de 25 euros) par mois, et sa femme 800 roupies en faisant des ménages. Il loue sa maison pour 800 roupies par mois et envoie ses 2 enfants a l’école, ce qui lui coûte 300 roupies/mois pour chacun. En gros, il lui reste 900 roupies (environ 15 euros) par mois pour nourrir toute la famille… Dur dur d’entendre ça.
En milieu d’après-midi, je dois prendre le train Varanasi-Jhansi qui va me rapprocher d’Indore, la ville où habite Samved. J’ai très envie de partir. Les gens autour de la gare se réchauffent autour de petits feux. Ca m’obnubile : j’ai l’impression que des cadavres brûlent de partout et que je respire cette fumée… Glauque…. J’ai envie de vomir… Et cette odeur de pisse, je suis encore à cote toilettes dans le train…
Je suis soulagée que l’on démarre. Je me remets a peine de mes émotions que je surprends un indien la main dans mon sac. Un peu limitée par le fait que je doive m’exprimer en anglais, je n’arrive pas a lui dire plus que « it’s really bad ». Mais je le répète plein de fois et je dois admettre que, si vous vous imaginez la scène, j'ai l'air assez pathétique ! Je ne veux pas rester à coté de ce gars sachant que je passe la nuit dans le train. Je décide donc d’aller voir le contrôleur et j’ai à peine le temps de me lever que le gars saute du train (inutile de préciser que les trains indiens sont hyyyyyper lents). Bon, c’est déjà ça de gagné… Il me tarde de me coucher : demain sera un autre jour…
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